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Le dernier texte publié sur mon blogue date déjà de plusieurs semaines. Normal, il y a longtemps que je n’ai pas écrit : j’étais trop occupée à vivre. À vivre à cœur joie. Dans un enthousiasme débordant et une curiosité de chaque instant, un pas après l’autre, face à ce que la providence déposait sur mon chemin.

On dit souvent que l’art nourrit la vie, ce qui est certes véridique; mais l’inverse est tout aussi exact. La vie nourrit l’art, ou du moins en ce qui me concerne — disons-le plus humblement —, la création. J’ai déjà lu que la créativité est un lac qu’on doit laisser, par intermittence, se remplir à nouveau pour qu’il se régénère. Si, dans un enthousiasme un peu trop exacerbé, l’on pêche tout le poisson d’un coup, c’en est terminé, l’eau va stagner, croupir, et le lac se tarir. De même, c’est bien connu, il faut laisser la terre en jachère pour qu’elle se repose et profite. On va même parfois jusqu’à mettre le feu aux plans de bleuets pour leur promettre un avenir brillant (il est, paraît-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril…). On connaît la chanson.

Ces dernières semaines, faute de temps et d’inspiration, j’ai donc sacré là tous les projets en cours. J’ai laissé les truites en paix en leur souhaitant de se reproduire à loisir. Je ne me sentais aucunement créative et pourtant, terriblement vivante. Je dirais même, vivante comme rarement.

Oui, j’ai vécu des semaines que je pourrais qualifier de magiques, pour peu que l’on ait une tournure d’esprit prédisposant à accepter la vie comme elle vient. C’est-à-dire, sans routine ni certitudes, accueillant la nouveauté, de même que l’imprévu et ses mystères.

La vie, généreuse, m’a donc gratifiée de rencontres vivifiantes, de défis professionnels de haute voltige, de nouvelles activités « transformantes ». Partages, rires, retrouvailles, moments de grâce, il y eut de tout cela.

À l’opposé, la vie, toujours constante dans sa générosité, m’a offert des détachements, des renoncements, des larmes. Doute et solitude ont aussi fait partie du décor.

Pour faire image, à un coucher de soleil éblouissant à Windsor a succédé trois jours de spleen à Timmins. Cependant, tout ceci n’est que le reflet de la vie. Il y a de bons jours, et il y a des jours gris. Et je ne peux renier ni les uns ni les autres, tant j’en ressors au final émerveillée et emplie de gratitude, car comblée d’expériences diversifiées.

Chaque moment recèle son potentiel, et je me rends compte que c’est souvent lorsque le cœur est las qu’on expérimente le plus grand calme dans sa méditation. C’est parfois au détour de la mélancolie que se révèle la sérénité de l’âme qui s’observe elle-même entre deux pensées. Puisqu’il faut toujours une fissure pour laisser entrer la lumière dans une pièce obscure, les failles sont donc nécessaires pour que la nuit de l’âme accède enfin à l’aube tant espérée et s’en réjouisse.

Quoi qu’il en soit, en ce moment, j’expérimente davantage le vide. Mon emploi du temps s’est allégé, pour quelques jours. Je l’apprécie. Je ne sais pas si je me sens vraiment plus créative, mais j’ai ressenti l’appel d’écrire, et il me tarde de chanter. Comme quoi il faut peut-être se languir pour mieux apprécier…

Oui, il faut expérimenter, jouir, pleurer, rire, embrasser, lutter, s’impatienter pour vivre à cœur joie, et mieux recontacter l’essence de sa créativité intérieure.

Quand le lac est à nouveau prospère, la truite se manifeste en bondissant hors de l’eau, et lorsque la terre émerge de son immobilité, elle foisonne. Il est alors temps de se remettre au travail, et de cueillir des moissons d’abondance.

Il me tarde que la saison des bleuets arrive…